Prenant diverses formes telles les prestations monétaires, les services ou équipements collectifs, les dispositifs correspondants concrétisent des droits sociaux destinés à couvrir des situations socialement reconnues. Ils concernent des populations variées dont il faut souligner les processus de diversification qui les affectent depuis le début des années 1980, et s’expriment à travers l’instabilité des formes familiales et des formes d’emploi. Par ailleurs, la mise en œuvre de ces interventions implique des professionnels – les travailleurs sociaux – dont l’histoire, les missions et les statuts sont variés. Elle repose en outre de manière croissante sur la mobilisation, rémunérée ou non, d’autres acteurs au travail d’accompagnement (aidants familiaux, pair-aidant, bénévoles, etc.) dont l’articulation avec l’intervention des formes instituées d’accompagnement peut être interrogée. Enfin, on note l’apparition de nouveaux acteurs qui proposent des services marchands en matière de conseil, aide aux démarches, accompagnement.
À travers le croisement de différents regards (disciplinaires, et sur des champs d’intervention variés), le séminaire vise à analyser les transformations du champ de l’intervention sociale tant du point de vue des normes et instruments qui sous-tendent sa mise en œuvre que des profils, statuts et conditions d’exercice des personnes qui y concourent (travailleurs sociaux, pair-aidants, bénévoles, aidants, etc.)
Les questions de recherche issues des trois séances du séminaire donneront lieu à un appel à projets de recherche (APR) afin d’alimenter la production de nouvelles connaissances. L’APR sera lancé début 2025.
Séance de séminaire n°1 : Politiques sociales et travail social : les fondements de l’intervention sociale en question
Présentation de la séance
Depuis la fin des années 1980, le fonctionnement du système de protection sociale et les modalités d’accès aux droits sociaux se sont profondément transformés. De l’extension à de nouvelles populations de droits sociaux pleins et entiers associés au salariat, la poursuite de l’universalisation des droits sociaux a progressivement glissé, dans un contexte de développement des statuts d’emplois incertains, vers un universalisme résiduel prenant, notamment, la forme de prestations minimales pour les personnes en situations précaires.
Ces transformations reposent sur de nouvelles conceptions de la question sociale, qui interrogent les fondements de l’intervention sociale et sa mise en œuvre au quotidien : aux approches en termes d’inadaptation se sont substituées des analyses en termes de processus de désaffiliation ou de disqualification. Dans cette perspective, l’intervention sociale vise à accompagner vers leur inclusion des personnes singulières, titulaires de droits qui leur sont attachés en propre. Elle se fonde sur des modes d’intervention personnalisés concrétisés par l’élaboration de projets individualisés et des contrats cherchant à les concilier avec des soutiens via les prestations disponibles pour compenser, accompagner, soigner, etc.
Ainsi, alors que les formes traditionnelles d’intervention sociale valorisent une perspective clinique, fondée sur la connaissance approfondie des situations des personnes par l’entretien social, le développement des dispositifs d’assistance promeut une approche procédurale, par la mise en œuvre de droits sociaux dérivés de l’assistance.
L’intervention sociale se trouve ainsi prise en tension entre différentes logiques contradictoires. Redéfini autour de l’offre de prestations spécifiques (telles qu’aides budgétaires, soutien scolaire, conseil en matière de santé, alimentation, éducation), le travail social semble se rapprocher des métiers de prestations de services et de conseils. En parallèle, la thématique de « l’aller-vers », prônant d’aller à la rencontre des populations concernées dans leurs milieux de vie, a connu un fort regain. Elle s’inscrit dans un processus de mise à l’agenda des logiques de développement social local et d’une recomposition du travail social autour du développement du pouvoir d’agir entendu comme nouveau paradigme pour l’intervention sociale.
En parallèle, la mise en œuvre de l’intervention sociale repose de manière croissante sur l’intervention d’agents d’une grande diversité de statuts, et eux-mêmes soumis à de fortes incertitudes dans leurs conditions d’exercice. Il s’agit alors de s’interroger sur les marges de manœuvre » des travailleurs sociaux pour mettre en œuvre un accompagnement personnalisé, dans la durée, qui ne se limite pas à des injonctions gestionnaires et des contrôles procéduraux.
Cette séance a pour but d’examiner plus précisément les transformations en cours dans les fondements de l’action sociale pour en préciser les caractéristiques, les enjeux du point de vue des modes d’accès aux droits sociaux et de la mise en œuvre de l’intervention sociale. En particulier on s’intéressera à la façon dont ces nouvelles conceptions, visant au développement des capacités d’individus responsables de leurs parcours, articulent les logiques, parfois contradictoires de contractualisation et d’aller-vers. Cet état des lieux permettra dans les séances suivantes d’examiner la façon dont ces contradictions s’expriment dans la mise en œuvre concrète de l’intervention sociale sur différents terrains.
- Présentation 1 par Olivier GIRAUD-LIPARI, Directeur de recherche CNRS, Lise-Cnam
- Présentation 2 par Laure CAMAJI, Maîtresse de conférences HDR en droit, Université Lumière Lyon 2, Cercrid
- Présentation 3 par Cyprien AVENEL, sociologue, conseiller expert pour le travail social, Direction générale de la cohésion sociale (DGCS) (vidéo disponible ultérieurement)
La séance s’est déroulée le 25 juin 2024 en présentiel dans les locaux de la DREES et en visio.
Séance n° 2 : Le travail social à l’épreuve des rapports sociaux de sexe, classe et race.
Présentation de la séance
Cette séance propose d’interroger les pratiques et les profils des acteurs du travail social en adoptant une grille de lecture intersectionnelle. Il s’agira ainsi d’interroger à la fois les formes de catégorisation qui traversent le travail social (comment celles-ci sont vécus, produites, appropriées par les acteurs de l’intervention sociale), mais aussi un éventuel renouvellement des pratiques, fondé en partie sur la mobilisation de savoirs issus de l’expérience de personnes concernées. Comment ces différentes pratiques professionnelles ou bénévoles sont traversées par des rapports sociaux de race, de classe et de genre ? Comment concourent-elles à reproduire ces inégalités et rapports de domination ou, au contraire, développent des postures et savoir-faire producteurs de contre-modèles ?
Dans ce cadre, la séance pourra également interroger la manière dont se développent, en parallèle de dispositifs « classiques » du travail social, des formes d’intervention moins instituées. On note ainsi le développement de collectifs d’habitants et d’initiative d’entraides dans l’espace local, dans les « trous » du care institutionnel. Ces dynamiques gagneraient également à être interrogées à la lumière des logiques contemporaines de gouvernement du social (référentiels d’activation, conditions d’emploi des professionnels, logiques de marchandisation etc.) : dans quelle mesure celles-ci participent à (re)produire diverses formes de classement et de hiérarchisation des personnes accompagnées ?
- Présentation 1 par Auréline Cardoso, docteure en sociologie, chercheuse associée au Certop, Université II Jean Jaurès
- Présentation 2 par Élise Lemercier, Professeure de sociologie, sociologue, Université de Rouen Normandie, Dysolab
- Présentation 3 par Lara Geldreich, Directrice Un Chez Soi d’Abord Strasbourg, et Romain Dubray, Médiateur de Santé-Pair
La séance s’est déroulée le 22 octobre 2024 en présentiel dans les locaux de la DREES et en visio.
La troisième et dernière séance du séminaire se déroulera jeudi 7 novembre 2024 de 9h30 à 12h30 en présentiel dans les locaux de la DREES (78 rue Olivier de Serres – 75015 Paris) et en visio. La participation est libre (dans la limite des places disponibles en présentiel), mais l’inscription est obligatoire dans les deux cas via ce lien d’inscription. Les informations techniques et un lien de connexion vous seront envoyés la veille pour accéder à la visioconférence.
Séance n° 3 : Marchandisation, diversification des statuts d’emploi, et trajectoires professionnelles : l’intervention sociale au travail
Présentation de la séance
La dénomination très large de l’intervention sociale renvoie à une pluralité d’activités et de métiers, dans des conditions d’exercice et statuts très divers (professionnels/bénévoles/usagers ; salariat / intérim / exercice en libéral). Les problématiques liées à l’emploi et des conditions de travail et leurs effets sur les pratiques professionnelles constituaient toutefois jusqu’à peu un angle peu traité de la sociologie du travail social.
Dans ce contexte, la séance vise à interroger d’une part, les enjeux liés à la diversification des statuts et conditions d’emploi et leurs effets sur le travail d’accompagnement ; et d’autre part les contradictions entre la promotion d’un accompagnement social individualisé et un « marché » de l’accompagnement social fortement contraint (dispositifs sous-financés ; transformation des modes de financement sur appels d’offre). Il s’agit ainsi de documenter ces tensions et les arbitrages réalisés entre les situations des personnes et les ressources institutionnelles insuffisantes : Quelles marges de manœuvre et stratégies des intervenants sociaux pour maintenir une certaine autonomie dans la définition des problématiques sociales et des publics reçus ? quelles perspectives pour le développement d’un « travail social critique » ? Ces tensions se traduisent par un sentiment croissant d’une intervention sociale « empêchée ». Quel(s) sens donner au travail et à l’intervention face à des situations « sans solution » ? En fonction des profils et trajectoires des professionnels ainsi que des conditions d’exercice, ceux-ci investissent-ils différemment le travail d’accompagnement ?
Intervenants :
- Agnès Aubry, enseignante et chercheuse en science politique, HESTS - HES-SO Valais, CRAPUL - Université de Lausanne
- Charlène Charles, maîtresse de conférences en sociologie, Université Paris Est Créteil, LIRTES
- Jérôme Poulain, économiste, OFCE, DREES
Modalités d’organisation et finalité du séminaire
La mission recherche (MiRe) de la Drees a pour missions de structurer, animer, financer et valoriser des recherches en sciences humaines et sociales dans les domaines de la santé et de la protection sociale. Pour ce faire, elle lance et coordonne des programmes de recherche visant à produire des connaissances sur les politiques sanitaires et sociales et à alimenter les réflexions des administrations, des partenaires institutionnels ou des acteurs opérationnels. Les appels à projet de recherche (APR) sont précédés d’un séminaire dont l’objectif est de faire émerger des besoins de connaissances à produire par la recherche et d’inciter les chercheurs à se saisir des préoccupations des acteurs présents.
Ce séminaire en amont du lancement de l’appel est un élément central dans les programmes de la MiRe, pour définir des questions de recherche pertinentes assorties de cadres d’analyse originaux et de méthodologies appropriées. La démarche de rapprochement du monde de la recherche et de la décision publique est ensuite favorisée par un suivi coordonné de l’avancement des recherches et leur valorisation. Les questions de recherche identifiées dans ce séminaire donneront lieu à un appel à projets de recherche financé qui sera lancé début 2025.