En 2022, 75 803 personnes de 10 ans ou plus, dont 64 % de femmes, ont été hospitalisées pour un geste auto-infligé (tentative de suicide ou automutilation) en court séjour somatique (MCO). Un niveau comparable à celui d’avant la crise sanitaire1
mais qui masque d’importantes différences de tendances selon l’âge et le sexe. De brutales augmentations sont observées chez les filles et les jeunes femmes entre le nombre moyen de patientes des périodes 2015-2019 et 2021-2022 :
- +63 % de filles de 10 à 14 ans concernées entre 2021 et 2022 et les cinq années d’avant la crise ;
- +42 % d’adolescentes âgées de 15 à 19 ans ;
- +32 % de jeunes femmes âgées de 20 à 24 ans.
Dans le même temps, les patientèles des autres catégories de population ont tendance à décroître ou à rester stable.
Par ailleurs, bien que la qualité du codage soit moindre dans les services de psychiatrie publics, le nombre de personnes hospitalisées en lien avec un geste auto-infligé atteint, en 2021 et 2022, un niveau inédit, supérieur de 25 % à la moyenne des années 2015-2019. Là encore, cela s’explique par une forte progression d’hospitalisations de patientes âgées de 10 à 24 ans, et, dans une moindre mesure, de jeunes patients hommes âgés de 10 à 24 ans. Des tendances à la hausse qui préexistaient à la crise sanitaire et qui paraissent avoir été accélérées par celle-ci.
Le taux de gestes auto-infligés marqué par un fort gradient social
À partir de chiffres portant sur les années 2015 à 2017, le dernier rapport de l’ONS révèle par ailleurs que les taux d’hospitalisations pour gestes auto-infligés sont caractérisés par un gradient social très marqué. Ils sont en effet plus élevés chez les plus modestes et plus faibles chez les plus aisés. Entre 15 et 19 ans, où un premier pic d’hospitalisations pour ces gestes est identifié chez les adolescentes, le taux de patientes hospitalisées est près de deux fois supérieur parmi le quart inférieur des niveaux de vie que dans le quart supérieur. Les femmes âgées de 45 à 49 ans, concernées, quel que soit leur niveau de vie, par un second pic d’hospitalisations pour geste auto-infligé, sont aussi davantage touchées quand elles sont d’un niveau de vie plus modeste (3,5 fois plus dans le quart de la population le moins aisé que dans le quart le plus aisé). Chez les hommes, les taux les plus élevés sont atteints entre 45 et 49 ans, tout particulièrement chez les hommes appartenant au quart inférieur des niveaux de vie, qui présentent des taux d’hospitalisations pour gestes auto-infligés cinq fois supérieurs à ceux du quart le plus aisé.
Des statistiques retraçant l’évolution des décès par suicide à interpréter avec précaution
En 2021, on enregistre 8 951 décès par suicide, soit 13,9 pour 100 000 personnes, des chiffres relativement stables par rapport à l’année précédente. Le nombre de décès recensés retrouve un niveau proche de celui de 2015 et demeure supérieur chez les hommes (6 752) à celui des femmes (2 199), soit des taux standardisés de mortalité respectifs de 21,8 et 6,2 pour 100 000 habitants.
Les évolutions récentes doivent néanmoins être interprétées avec précaution compte tenu d’une rupture de série statistique : l’évolution du certificat de décès et des remontées d’information ont permis, à partir de 2018, une meilleure comptabilisation des décès par suicide. Ces évolutions méthodologiques exercent, au cours des années suivantes, un effet conduisant à une hausse du nombre de suicides recensés sans qu’on puisse conclure – à ce jour – à l’interruption de la tendance historique à la baisse des décès par suicide observée depuis le milieu des années 1980 (voir note ONS pour plus de détails sur les aspects méthodologiques – chiffres révisés depuis).
Les données détaillées (par classe d’âge, par sexe et par département) sont accessibles en open data sur le site du CépiDc. Il convient de sélectionner le chapitre 17 « Causes externes de mortalité et de morbidité » dans la liste déroulante « Causes de décès », puis le sous-chapitre 17.2 « Suicides et lésions auto-infligées ».
La DREES a publié les données détaillées sur les causes médicales de décès et leur évolution sur la période 2015-2021. Ces statistiques sont établies sur la base de la partie médicale des certificats de décès rédigée par le médecin qui constate le décès. Elle est produite par le CépiDc de l’Inserm.
Pour aller plus loin
- Bulletins mensuels de Santé publique France
- Sous la coordination scientifique de Valentin Berthou, Aristide Boulch, Monique Carrière, Hadrien Guichard, Jean-Baptiste Hazo, Adrien Papuchon, Charline Sterchele et Valérie Ulrich de la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES). (2022, septembre). Suicide : mesurer l’impact de la crise sanitaire liée au Covid-19 - Effets contrastés au sein de la population et mal-être chez les jeunes - 5e rapport.
- Guillaume Bagein, Vianney Costemalle, Thomas Deroyon, Jean-Baptiste Hazo, Diane Naouri, Elise Pesonel, Annick Vilain (DREES) (2022, septembre). L’état de santé de la population en France à l’aune des inégalités sociales. Les dossiers de la DREES, 102.
- Manon Cadillac (DREES), Anne Fouillet (Santé publique France), Cecilia Rivera (CépiDc-Inserm), François Clanché (DREES), Élise Coudin (CépiDc-Inserm) (2023, décembre). Grandes causes de décès en France en 2021 : une année encore fortement marquée par le Covid-19. Études et résultats, 1288.
- 1En 2020, on observe une diminution globale du nombre de gestes suicidaires – suicides et tentatives de suicide ou lésions auto-infligées –, en particulier lors des deux premiers confinements de la population. Pour un premier état des lieux de l’impact de la crise sanitaire sur les conduites suicidaires, voir le 5e rapport de l’ONS.