Cependant, dans la plupart des pays qui ont mis en œuvre ce système de tarification, des évolutions ont assorti à la mise en œuvre de la tarification à l’activité d’autres mesures concernant le financement des établissements de santé. L’objectif de cette journée est de présenter certaines expériences associant à la tarification à l’activité des politiques de régulation du secteur hospitalier autour des 3 objectifs suivants :
- La maîtrise des dépenses
- La qualité des prises en charge des patients
- Le décloisonnement de l’hôpital et de son environnement
Les expériences retenues se déroulent aux Etats-Unis, en Allemagne, aux Pays-Bas et en Angleterre. La grande variété des systèmes de santé dans ces quatre pays peut en effet permettre de passer les mesures et réformes menées par chacun au crible des spécificités de l’organisation des systèmes.
Si les expérimentations étrangères présentées ici ne sauraient constituer de quelconques « modèles » à reproduire à l’identique dans le système de santé français, elles pourront néanmoins fournir aux participants des pistes de réflexion et de discussion pour répondre aux défis auxquels nous sommes aujourd’hui confrontés.
M. Michael Borowitz de l’OCDE introduira cette journée en nous dressant un panorama global des réformes en cours de développement dans les pays développés.
Programme
Séance 1 : Comment concilier la tarification à l’activité et la nécessité de limiter la croissance des dépenses ?
Aux Etats-Unis, premier pays à avoir adopté à large échelle la tarification à l’activité des hôpitaux dès les an nées1980, certains Etats comme le Maryland ont assez tôt instauré parallèlement des systèmes de maîtrise des dépenses, à travers des mécanismes d’ajustement des budgets selon les volumes constatés : un hôpital qui dépasse le budget reçoit 85% de la partie dépassée du budget et peut garder15% dans le cas contraire. En effet, la Hea/th Services Cost Review Commission, chargée d’élaborer la politique tarifaire du Maryland, considère que 85% des coûts d’un établissement sont variables. D’après les observateurs, cette politique a permis de contenir la croissance des dépenses dans cet Etat, relativement au pays entier. Ces expériences outre-Atlantique, ainsi que les développements récents de la tarification hospitalière aux Etats-Unis seront présentés par Dr. Robert Berenson.
L’Allemagne et les Pays-Bas connaissent, par rapport à la plupart des autres pays de l’Union européenne, une spécificité : les assureurs sont en concurrence pour couvrir la couverture maladie obligatoire des citoyens ; la négociation des tarifs ne passe donc pas par un dialogue exclusif entre un assureur public et les prestataires de soins. Afin de garantir l’équité et l’accès à tous, une caisse de péréquation des risques compense financièrement les assureurs selon les profils démographiques et de morbidité de leurs assurés. En effet, si tel n’était pas le cas, les assureurs auraient intérêt à évincer les mauvais risques (les personnes malades et coûteuses). De plus, les assureurs doivent obligatoirement couvrir un panier de soins dont le contenu est défini nationalement. Dans les systèmes de santé allemand et néerlandais, les négociations bilatérales annuelles entre les payeurs et les établissements de santé mettent en jeu des mécanismes de régulation volume/prix. En effet, les tarifs y sont dégressifs selon les volumes prévus au budget. Outre-Rhin, en pratique, le budget est défini chaque année selon le volume de cas prévu et leur niveau de complexité (case mix). Dans le cas où l’établissement dépasse le volume prévu, ce dernier ne reçoit que 65% de la valeur du point de base pour les points de case mix au-dessus du budget. Dans les cas où l’établissement aurait un volume constaté inférieur au budget prévu, il peut garder 15% de la différence avec le budget prévu. aux Pays-Bas, ce sont désormais 70% des tarifs hospitaliers qui ne sont plus définis centralement et peuvent donc faire l’objet de négociations bilatérales entre les payeurs et les établissements.
Pour éclairer les enjeux liés à ces systèmes tarifaires, un assureur et à un établissement venus respective- ment d’allemagne (Drs. Christian Elsner et Jan Helfrich) et des Pays-Bas (MM. Marco Tieleman et Mark Spit) décriront comment se déroule en pratique la négociation budgétaire.
Séance 2 : introduire des incitations à la qualité dans les établissements ?
la séance s’intéressera aux expériences anglaise et américaine visant à inciter à la qualité des prises en charge des patients en milieu hospitalier. Mme. Julia Hickling, directrice d’un programme pour la qualité des soins regroupant les établissements du national Heath Service (NHS) de la région du nord-ouest de l’Angleterre (Manchester, Liverpool), nous présentera la démarche de ce projet. le dispositif s’appuie égale- ment sur des incitations financières dont elle nous expliquera les effets sur l’organisation des équipes cliniques.
Aux Etats-unis, la question de la qualité des établissements est à l’agenda depuis les années 1990. en, particulier, Medicare porte de façon croissante ses efforts de régulation sur la qualité des prises en charge hospitalières. a ce titre, il y a une double tendance : d’une part, à étendre les domaines couverts par les objectifs de qualité (des seules infections nosocomiales d’abord au suivi post-hospitalier aujourd’hui en passant par la satisfaction des patients) et d’autre part, à rendre les incitations de plus en plus fortes (de la publication d’indicateurs à l’instauration de pénalités financières en certains cas). Cette évolution sera exposée par Dr. Tom Valuck, ancien spécialiste de ces questions chez Medicare et actuellement pour le national quality Forum, une grande fondation à Washington rassemblant patients, payeurs et hôpitaux, dont l’objectif est de promouvoir le développement d’indicateurs de qualité des soins et leur diffusion publique.
Séance 3 : Des paiements forfaitaires pour décloisonner l’hôpital de son environnement ?
Il n’y a pas qu’en France que l’on déplore le cloisonnement des structures et des financements et que l’on cherche à mieux coordonner les divers environnements de prise en charge médicale. Pour y remédier, certains systèmes de santé développent aujourd’hui des paiements forfaitaires couvrant à la fois la prise en charge dans l’hôpital et hors de ses murs, dans l’objectif d’inciter les divers acteurs médicaux, paramédicaux et médico-sociaux à se coordonner autour des patients selon une logique de « parcours de soins ».
À ce titre, l’expérience du système de santé américain Geisinger Health System avec ses 3 millions de bénéficiaires a désormais une notoriété internationale : en 2006, afin d’inciter les diverses structures à mieux se coordonner, des paiements forfaitaires ont été mis en place incluant l’ensemble du parcours de soins pour certains traitements (bundled payments). né d’un système de santé privé, ce dispositif a pourtant été repris par Medicare qui élabore actuellement des prototypes visant à généraliser ce système. le Dr. Thomas Graf, qui est directeur et médecin conseil chez Geisinger, partagera son expertise sur ce thème.
En Angleterre, le secteur médico-social est du ressort des collectivités locales, tandis que le domaine sanitaire est régi par l’administration du NHS. afin d’intéresser financièrement les établissements à mieux préparer la prise en charge post-hospitalière de leurs patients à leur sortie, la campagne tarifaire de 2013 a introduit pour la première fois des tarifs post-hospitaliers versés aux établissements eux-mêmes. Ces nouveaux tarifs couvrent les besoins médico-sociaux et de réhabilitation post-hospitaliers sur les 30 jours suivant la sortie d’hôpital. M. Martin Campbell, chef du bureau du développement tarifaire hospitalier au Ministère de la Santé anglais, présentera cette réforme. Last but not least, Sir John Oldham, du Ministère de la Santé également, présentera les projets actuels en angleterre qui viseraient in fine à remplacer la tarifica- tion à l’activité pour les patients complexes par une capitation annuelle couvrant l’ensemble des besoins sanitaires et médico-sociaux dans un year-of-care tariff.