Les données exploitées dans cette étude sont issues de la quatrième édition de l’enquête Modes de garde et d’accueil des jeunes enfants (MDG), réalisée par la DREES entre le 1er octobre 2021 et le 9 février 2022 auprès de ménages ayant au moins un enfant âgé de moins de 6 ans. Ces données sont complétées par les résultats d’une enquête qualitative menée auprès de pères bénéficiaires de la réforme du congé de paternité afin d’évaluer la façon dont évoluent les pratiques et les représentations paternelles au cours des trois premières années de vie de l’enfant. La première vague de cette post-enquête longitudinale a été réalisée entre avril et septembre 2022.
Les pères sont plus souvent éligibles au congé de paternité que les mères au congé de maternité
Au moment de la naissance d’un enfant, les parents en emploi ou au chômage indemnisé au cours des 12 derniers mois, peuvent bénéficier d’un congé de paternité ou de maternité et percevoir, sous condition, des indemnités. En lien avec la plus forte présence des hommes sur le marché du travail, davantage de pères sont éligibles au congé de paternité que de mères au congé de maternité : en 2021, parmi les parents d’un enfant de moins de trois ans, 94 % des pères étaient éligibles au congé de paternité à la naissance de leur plus jeune enfant alors que 82 % des mères l’étaient au congé de maternité (Graphique 1).
Graphique 1 – Éligibilité et taux de recours aux congés de paternité et de maternité
Les pères font moins souvent valoir leur droit que les mères, en particulier quand ils sont au chômage
Les pères éligibles recourent moins au congé de paternité que les mères éligibles recourent au congé de maternité (71 % contre 93 %). Les parents au chômage indemnisé font nettement moins souvent valoir leurs droits que les parents en emploi, bien que la prise de ces congés suspende les obligations de recherche d’emploi et reporte les droits aux allocations chômage. En 2021, 75 % des mères au chômage indemnisé à la naissance de leur benjamin ont pris un congé de maternité contre 95 % des mères en emploi. L’écart est encore plus marqué pour les pères : 13 % des pères au chômage indemnisé contre 76 % des pères en emploi. Ce moindre recours des parents au chômage indemnisé pourrait résulter d’une méconnaissance de leurs droits, certains parents se pensant inéligibles au dispositif du fait des restrictions habituellement associées à leur statut. Par ailleurs, l’écart plus marqué pour les pères pourrait traduire un sentiment d’illégitimité plus fort pour ces derniers lorsqu’ils sont au chômage, malgré une durée de congé nettement plus courte.
Les indépendants recourent de plus en plus au congé de paternité mais toujours moins fréquemment que les salariés en contrat stable
Mis en place en 2002 pour développer les liens père-enfant, favoriser l’équilibre des tâches familiales et promouvoir l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, le congé de paternité a connu un succès immédiat avec un taux de recours avoisinant les deux tiers dès les premières années. Entre 2013 et 2021, le congé de paternité gagne un peu de terrain sous l’effet cumulé de l’augmentation de la part de pères éligibles (qui passe de 91 % en 2013 à 94 % en 2021) et de la hausse du recours parmi les pères éligibles (68 % à 71 %). Le taux de recours progresse fortement parmi les indépendants (de 32 % en 2013 à 46 % en 2021), mais il reste très inférieur à celui des pères fonctionnaires ou salariés en CDI dans le secteur public (91 % en 2021) ou salariés en CDI dans le secteur privé (82 % en 2021). Les salariés en contrat court ou discontinu se situent entre les deux extrêmes : leur taux de recours est plus élevé que les indépendants mais progresse moins (de 48 % en 2013 à 51 % en 2021). L’entrée plus fréquente dans le dispositif des pères indépendants ou en contrat court s’est par ailleurs accompagnée d’une hausse des congés de paternité pris partiellement. Ce recours partiel pourrait constituer pour les indépendants un compromis entre une norme de présence paternelle qui s’impose de plus en plus et une contrainte de présence professionnelle plus forte pour eux.
Les pères démarrent beaucoup plus souvent leur congé de paternité dans la semaine qui suit la naissance
En 2021, avant la réforme, 72 % des pères ont commencé leur congé de paternité dans la semaine ayant suivi la naissance de leur enfant alors qu’ils étaient seulement 49 % en 2013 (Graphique 2). Cette très forte augmentation témoigne de la valorisation croissante du temps d’accueil du nouveau-né. La sanctuarisation des premiers jours s’observe pour la naissance du premier enfant mais aussi de plus en plus pour les naissances suivantes. Au-delà du congé de paternité, environ deux pères sur cinq en emploi salarié au moment de la naissance déclarent en 2021 (avant réforme) avoir assorti leur congé de paternité d’autres types de congés, le plus souvent des congés annuels. La durée de ces congés complémentaires est très variable : de 1 à 5 jours pour 23 % des pères concernés, 6 à 10 jours pour 26 %, 11 à 15 jours pour 30 % et enfin plus de 15 jours pour 21 %.
Graphique 2 – Période du congé de paternité
Deux tiers des pères bénéficiaires de la réforme de juillet 2021 ont pris la totalité des 25 jours de congé, majoritairement en une seule fois
La réforme du congé de paternité entrée en vigueur en juillet 2021 a allongé sa durée de 11 à 25 jours et ouvert la possibilité de le fractionner. À la date de l’enquête, 65 % des pères bénéficiaires ont déjà pris la totalité des 25 jours de congé de paternité et 25 % déclarent qu’ils ne prendront pas davantage de jours. Dans 80 % des cas, les pères ont pris leur congé en un seul bloc. Le recours au fractionnement concernerait donc 20 % des cas. D’après les entretiens qualitatifs, le fractionnement répond à plusieurs logiques :
- la première consiste à diviser ce temps afin de ne pas s’absenter du travail sur une période jugée trop longue par les pères. Elle caractérise principalement les pères cadres, qui mettent en avant leurs responsabilités managériales, mais ne leur est pas réservée ;
- la deuxième relève davantage d’ajustements organisationnels, notamment des contraintes familiales souvent liées au mode de garde de l’enfant ;
- plus minoritaire, le fractionnement peut également résulter d’une volonté des pères de passer du temps seul avec leur enfant, à la fin du congé de maternité.
Pour aller plus loin :