L’échantillon interrégimes de retraités (EIR), réalisé par la DREES tous les quatre ans à des fins de statistique, permet de reconstituer le montant de la retraite globale pour un échantillon d’individus, en rapprochant les données des différents régimes français légalement obligatoires. Pour étudier des dispositifs sociaux qui tiennent compte de l’ensemble des ressources des individus (au-delà des pensions de retraite), comme c’est le cas du minimum vieillesse, il est nécessaire de croiser les données de l’EIR à la base de données fiscales dite « POTE » (fichier permanent des occurrences de traitement des émissions) contenant les données des déclarations fiscales des contribuables. Cet appariement permet de couvrir un champ beaucoup plus large de ressources comme les revenus d’activité et de remplacement, les revenus du patrimoine et les informations sur les impôts directs. La dernière vague disponible de l’EIR porte sur la situation au 31 décembre 2016.
Une personne seule sur deux, éligibles au minimum vieillesse n’y recourt pas
Selon l’EIR apparié aux données fiscales, 646 800 personnes seules de 65 ans ou plus ou inaptes dont l’âge est supérieur à l’âge d’ouverture des droits vérifient la condition de ressources pour une personne seule fin 2016 (les « éligibles »). Parmi elles, seules 325 700 personnes (50 %) perçoivent effectivement le minimum vieillesse. Ainsi, 321 200 personnes se situent sous le plafond de ressources pour une personne seule (et sont donc éligibles selon les données fiscales) mais n’ont pas recours au minimum vieillesse, soit un taux de non-recours estimé à 50 %.
Les non-recourants bénéficieraient, s’ils en faisaient la demande, de 205 euros en moyenne
Il est possible d’estimer, à partir des données fiscales, le montant du minimum vieillesse auquel les personnes auraient droit si elles en faisaient la demande. Il s’agit de l’écart entre le montant complet pour une personne sans ressources (801 euros par mois à la date étudiée – 916,78 euros aujourd’hui) et les ressources mensuelles entrant dans le calcul du plafond. Les non-recourants bénéficieraient, s’ils en faisaient la demande, de 205 euros en moyenne, tandis que les recourants bénéficient de 337 euros en moyenne (tableau A). La moitié des non-recourants percevraient moins de 140 euros bruts mensuels : moins de 157 euros pour la moitié des hommes, et moins de 134 euros pour les femmes.
Tableau A • Moyenne et dispersion des montants mensuels perçus par les allocataires du minimum vieillesse et des montants qui seraient perçus par les personnes seules en situation de non-recours
Le taux de non-recours est d’autant plus faible que le montant attendu est élevé
Fin 2016, le taux de non-recours s’élève à 77 % pour les montants attendus inférieurs à 100 euros par mois, 55 % pour les montants compris entre 100 et 200 euros et diminue progressivement pour atteindre 22 % pour les montants compris entre 500 et 600 euros. Il remonte progressivement à 43 % pour les montants les plus élevés (supérieurs à 700 euros) [graphique A].
Graphique A • Taux de non-recours selon la tranche de montant théorique
Le non-recours est le plus élevé pour les personnes devenues éligibles car leurs ressources ont moins augmenté que le barème, ou du fait d’un veuvage
Le taux de non-recours des femmes s’élève à 52 %, contre 44 % pour les hommes. Le non-recours croît également avec l’âge des bénéficiaires potentiels, de 47 % pour les personnes âgées de 65 à 69 ans à 56 % pour les personnes d’au moins 85 ans. Le taux de non-recours des bénéficiaires d’une pension de réversion s’établit à 62 %, il est plus élevé d’environ 20 points par rapport à ceux qui n’ont pas de droits dérivés. De même, le taux de non-recours est plus élevé pour les personnes ayant eu une carrière complète : il s’établit à 69 %, soit environ 20 points de plus que ceux qui n’ont pas une carrière complète. En revanche, le taux est plus faible pour les retraités dont le départ à la retraite était lié à l’inaptitude, au handicap ou à l’invalidité (33 %, soit 30 points de moins que ceux qui sont partis pour un autre motif). Au sein de ceux-ci, c’est surtout parmi les personnes parties à la retraite au titre de l’inaptitude au travail (parmi lesquelles les anciens bénéficiaires de l’allocation adulte handicapé [AAH]) que le non-recours est le plus faible. Enfin, le taux de non-recours est nettement plus élevé parmi les propriétaires (72 %) que parmi les locataires (36 %).
Parmi les personnes seules qui sont devenues éligibles au minimum vieillesse entre 2012 et 2016, le non-recours est le plus élevé pour celles qui le sont devenues car leurs ressources ont augmenté moins vite que le barème de la prestation (taux de non-recours supérieur à 85 %) et pour celles dont l’éligibilité est liée au fait de devenir veuf ou veuve et de liquider un nouveau droit dérivé (82 %) [tableau B].
Tableau B • Ventilation et taux de non-recours des nouveaux éligibles par acquisition de nouveaux droits
En l’absence de non-recours, des dépenses de minimum vieillesse plus élevées de 59 %
Fin 2016, les montants estimés liés au non-recours au minimum vieillesse par les personnes seules (hors celles ayant liquidé un nouveau droit direct ou dérivé de retraité dans l’année 2016 et hors allocations potentiellement versées par le Saspa[1]) s’élèvent à 790 millions d’euros, soit 59 % des masses versées aux recourants (1 300 millions d’euros en 2016). En d’autres termes, sur ce champ des personnes seules, en l’absence de non-recours, les masses versées seraient plus élevées de 59 %. En extrapolant sur l'ensemble des personnes seules fin 2016 (y compris celles ayant liquidé un nouveau droit direct ou dérivé de retraité dans l’année 2016 et y compris personnes au Saspa), ce montant s’élève à 1 090 millions d’euros.
Sources
L’échantillon interrégimes de retraités (EIR), réalisé tous les 4 ans par la DREES, permet de reconstituer le montant de la retraite globale pour un échantillon d’individus, en rapprochant les données des différents régimes français légalement obligatoires. L’EIR collecte également des éléments détaillés de calcul du montant de pension : nombre de trimestres validés, taux et circonstances de liquidation (dates de liquidation, notamment), décote et surcote éventuelles, etc. L’EIR comprend uniquement des informations sur les pensions de retraite et d’invalidité versées par les régimes légalement obligatoires, ainsi que sur quelques allocations versées par ces régimes, notamment le minimum vieillesse. Ainsi, par définition, il ne couvre pas l’intégralité des ressources des retraités. Pour étudier des dispositifs sociaux qui tiennent compte de l’ensemble des ressources des individus, comme le minimum vieillesse par exemple, il faut donc disposer d’autres sources de données.
La DREES, l’Insee et la DGFiP se sont donc associés pour croiser les données de l’EIR avec celles de la base POTE (fichier permanent des occurrences de traitement des émissions) contenant les données des déclarations fiscales des contribuables. Cet appariement permet de couvrir un champ beaucoup plus large de ressources, sous la condition que ces ressources soient imposables et donc déclarées. Les données fiscales appariées comprennent notamment les variables de revenus d’activité et de remplacement, les revenus du patrimoine et des variables d’impôts directs.
Pour en savoir plus sur le minimum vieillesse
Présentation détaillée de l’EIR
Présentation détaillée de l’enquête sur les allocations du minimum vieillesse
Données issues de l’enquête sur les allocations du minimum vieillesse
Anthony Marino (dir.) (2022, mai). Fiche 25 « Le minimum vieillesse et l’allocation supplémentaire d’invalidité », fiche 26 « Les allocataires du minimum vieillesse et les montants versés », fiche 27 « Le profil des allocataires du minimum vieillesse ». Dans Les retraités et les retraites – Édition 2022. DREES, coll. Panoramas de la DREES-Social.
Pour en savoir plus sur le non-recours aux prestations sociales
Céline Marc, Mickaël Portela, et al., « Quantifier le non-recours aux minima sociaux en Europe - Un phénomène d’ampleur qui peine à susciter le débat », Les Dossiers de la DREES, n°94, Drees, mars 2022.
Cyrine Hannafi, Rémi Le Gall, et al., « Mesurer régulièrement le non-recours au RSA et à la prime d’activité : méthode et résultats », Les Dossiers de la DREES, n°92, Drees, février 2022.
Lucie Gonzalez, Emmanuelle Nauze-Fichet (dir), « Le non-recours aux prestations sociales - Mise en perspective et données disponibles », Les Dossiers de la DREES, n°57, Drees, juin 2020.