Tout d’abord, Romuald Le Lan, David Bates, Perrine Bauer, Aude Bolleyn et Céline Clément se sont interrogés sur les conditions de travail et les relations avec le public dans les établissements de santé en 2003. Par rapport à l’ensemble de la population active, les actifs hospitaliers ont la particularité d’être particulièrement exposés au contact direct avec le public extérieur, ce qui est globalement associé à des conditions de travail plus soutenues. Ceux exerçant en service d’urgence et, davantage encore, en psychiatrie sont les plus exposés aux agressions du public. Les agressions subies s’accompagnent plus fréquemment d’un vécu au travail plus difficile. Une typologie du personnel en lien avec le public a permis de mettre en évidence deux profils qui confirment cette tendance : les « accumulateurs de charges » soumis à des charges physiques et mentales qui déclarent vivre davantage de situations pénibles avec les patients, et les « encadrés solidaires » qui confient plus s’entraider et subir moins de contraintes de rythme, tout en vivant davantage de moments positifs avec les patients.
Dans un second temps, Nicolas Jounin et Loup Wolff examinent les relations hiérarchiques en établissement de santé afin de dissocier différentes formes de pouvoir qui se tissent dans les établissements de santé, qu’ils soient publics ou privés. Une population de « chefs » très hétérogène a été identifiée, au sein de laquelle tous n’exercent pas des fonctions d’encadrement. Ces « chefs » ont été répartis en quatre classes : les gouvernants, notamment des médecins libéraux et des cadres de direction du privé, assument l’ensemble de ces ressources hiérarchiques ; les « surveillants », essentiellement des cadres de santé ou infirmiers, s’estiment surtout investis de responsabilités en matière d’horaires, d’organisation et d’évaluation du travail ; l’autorité des « experts », en majorité composée d’infirmières mais aussi de médecins salariés, s’appuie sur leur savoir-faire médical technique ; enfin, les « autres », pour lesquels les contours des responsabilités hiérarchiques restent flous.
Anne Vega s’attachera ensuite à décrire les perceptions du travail et le sentiment d’identité professionnelle chez les médecins salariés et libéraux. En médecine, la charge de travail varie selon les spécialisations, les types de clientèles soignées et les degrés de responsabilité engagée. À cet égard, la médecine hospitalière semble faire figure de modèle professionnel. En revanche, l’ensemble des médecins issus des spécialités les moins prestigieuses (urgentistes, gériatres hospitaliers) et les praticiens travaillant dans des régions peu médicalisées, partagent de nombreuses difficultés d’exercice avec les médecins généralistes. Cependant, tous les groupes de médecins témoignent de sentiments communs d’une perte de pouvoir, sous la double pression des pouvoirs publics et des usagers. D’où l’importance de maintenir au quotidien des réseaux d’entraide médicaux et des sous-spécialisations, qu’ils soient ou non formels.
Enfin, Alain Vilbrod et Florence Douguet examinent le cas des infirmières libérales qui entretiennent des relations régulières avec les multiples autres professionnels (libéraux ou salariés) qu’elles côtoient dans leur exercice quotidien. Avec les médecins généralistes, la communication est parfois difficile et elles sont souvent passées maître dans le fait de résister à leur domination, sans heurts et sans confrontations directes, pour parvenir à leurs fins. Leur bonne connaissance de la vie des patients et de leurs besoins représente un atout quand il y a divergence de vue. Avec les pharmaciens, on observe des jeux d’alliance et d’entente implicites assez surprenants. Avec les personnels en charge des soins et des aides à domicile, se dessinent des enjeux de défense de leur périmètre professionnel. Cela les amène tantôt à des collaborations effectives, tantôt à des relations tendues et marquées par la méfiance.