Les données exploitées dans cette étude sont issues de la quatrième édition de l’enquête Modes de garde et d’accueil des jeunes enfants (MDG), réalisée par la DREES fin 2021 auprès de familles ayant au moins un enfant âgé de moins de 6 ans. L’enquête MDG 2021 comprenait pour la première fois une série de questions sur la santé et les limitations des enfants ainsi qu’un sur-échantillon représentatif de bénéficiaires de l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé (AEEH) vivant en France métropolitaine.
Environ 1 enfant âgé de moins de 6 ans sur 100 bénéficie de l’AEEH
En 2021, 47 000 enfants âgés de moins de 6 ans bénéficient de l’AEEH en France métropolitaine, ce qui représente 1,1 % des enfants de cette classe d’âge. La prématurité, sévère ou modérée, constitue une cause importante des handicaps repérables dès la petite enfance. D’autres se manifestent souvent plus tardivement, notamment les troubles du neuro-développement, comme l’autisme, ou encore ceux du langage ou de l’attention (troubles « dys »). Du fait des délais de repérage des signes de difficultés puis de reconnaissance administrative, la part d’enfants bénéficiaires de l’AEEH croît avec l’âge : celle-ci est de 0,3 % parmi les enfants de moins de 3 ans et atteint 1,8 % parmi les enfants âgés de 3 à 5 ans.
Davantage de mères isolées et de mère éloignées de l’emploi
Les enfants âgés de moins de 6 ans bénéficiaires de l’AEEH vivent plus souvent que les autres enfants du même âge avec un seul de leurs parents (26 % contre 13 %). Dans 93 % des cas, ce parent isolé est leur mère. Ces écarts très prononcés au moment de la petite enfance se réduisent au cours du temps mais restent malgré tout très marqués quand les enfants sont plus grands.
Par rapport aux autres mères d’enfant de moins de 6 ans, celles ayant des enfants bénéficiaires de l’AEEH apparaissent aussi plus éloignées de l’emploi : au moment de l’enquête, la part de mères inactives ou au chômage est ainsi deux fois plus élevée (60 % contre 30 %). L’éloignement de l’emploi des mères d’enfants bénéficiaires de l’AEEH peut être consécutif au diagnostic : de fait, elles sont en proportion plus nombreuses à avoir déjà interrompu leur activité pour s’occuper de leur enfant (57 % contre 40 %). Cet éloignement peut précéder aussi la naissance de l’enfant puisqu’elles sont également en proportion plus nombreuses à n’avoir jamais travaillé (15 % contre 6 %).
Avant 3 ans, des enfants beaucoup plus souvent gardés par leurs parents sur des temps plus longs en moyenne
Les enfants bénéficiaires de l’AEEH âgés de moins de 3 ans sont beaucoup plus souvent que les autres gardés à titre principal – autrement dit la majeure partie du temps en journée en semaine – par au moins un de leurs parents (78 % contre 56 %) (graphique ci-dessous). Confier ou non la garde de son enfant dépend de nombreux facteurs comme l’activité des parents et l’âge des enfants, caractéristiques qui diffèrent fortement entre les bénéficiaires de l’AEEH et les autres enfants. Néanmoins, le handicap de l’enfant augmente significativement la probabilité qu’il soit gardé par ses parents, indépendamment de ces autres caractéristiques.
Comparativement aux autres enfants de moins de 3 ans, la garde parentale est moins souvent assurée de façon exclusive (30 % contre 34 %). Autrement dit, les parents d’enfant bénéficiaire de l’AEEH qui en assurent la garde principale recourent plus fréquemment à des modes de garde complémentaires (trois cas sur cinq) que les autres parents dans la même situation (deux cas sur cinq). La garde parentale s’exerce néanmoins en moyenne sur des temps plus longs pour les enfants bénéficiaires de l’AEEH que pour les autres enfants d’âge comparable.
Un accueil aussi fréquent en structure collective mais plus rare chez une assistante maternelle, sur des temps plus courts que les autres enfants
Concernant les modes de garde formels payants, l’accueil en établissement d’accueil du jeune enfant (EAJE) au moins une fois dans la semaine est aussi répandu pour les enfants bénéficiaires de l’AEEH (27 %) que pour les autres enfants de moins de 3 ans (25 %), mais c’est moins souvent à titre principal (13 % contre 18 %) qu’à titre complémentaire (14 % contre 8 %). L’accueil individuel chez une assistante maternelle au moins une fois dans la semaine est nettement moins fréquent pour les bénéficiaires de l’AEEH (16 % contre 29%) surtout à titre principal (6 % contre 20 %). En crèche ou chez une assistante maternelle, le temps d’accueil des enfants bénéficiaires de l’AEEH, à titre principal comme à titre complémentaire, est en moyenne toujours plus court que celui des autres enfants.
En lien avec leurs besoins spécifiques, 31 % des enfants de moins de 3 ans bénéficiaires de l’AEEH sont pris en charge au moins une fois dans la semaine par une structure du champ du handicap (centres d’action médico-sociale précoce -CAMSP, services d’éducation spéciale et de soins à domicile- Sessad, centres médico-psycho-pédagogiques -CMPP, hôpitaux de jour, etc.). Les enfants concernés y passent en moyenne 3 heures par semaine.
Des parents moins souvent satisfaits quand ils assurent la garde de leur enfant, même quand c’était leur choix
Quand ils assurent la garde principale de leur enfant, les parents d’enfants bénéficiaires de l’AEEH se déclarent moins souvent satisfaits que les autres parents (70 % contre 82 %), même quand la garde parentale correspondait à leur premier choix (73 % contre 92 %). En revanche, quand l’enfant est accueilli à titre principal en EAJE ou chez une assistante maternelle, les parents bénéficiaires de l’AEEH sont plus souvent satisfaits que les autres parents (92 % contre 80 %). Ces résultats suggèrent que la garde parentale pourrait être moins bien vécue quand l’enfant est en situation de handicap, peut-être parce que celle-ci s’inscrit davantage dans la durée et dans l’intensité, puisqu’elle mobilise les parents sur des temps plus longs au cours de la semaine et jusqu’à des âges plus élevés. Cette moindre satisfaction pourrait aussi refléter des attentes déçues en matière d’inclusion dans les autres modes de garde.
Des temps de présence à l’école plus réduits et des parents davantage présents en relai les mercredis et après l’école
À 3 ans, la scolarisation est moins fréquente pour les enfants bénéficiaires de l’AEEH (78 % contre 98 %). Entre 4 et 5 ans, elle est généralisée et les écarts sont nettement moins marqués (97% contre 99%). Toutefois, quel que soit leur âge, les enfants bénéficiaires de l’AEEH scolarisés à l’école maternelle passent en moyenne moins de temps que la durée d’enseignement hebdomadaire de 24 heures. Le suivi médico-social a possiblement une incidence sur le temps de présence à l’école. De fait, près de la moitié (47 %) des enfants bénéficiaires de l’AEEH âgés de 3 à 5 ans scolarisés sont accompagnés par une structure spécialisée au moins une fois dans la semaine, pour une durée moyenne de prise en charge d’environ 5 heures 30.
Les parents d’enfants bénéficiaires de l’AEEH scolarisés assurent plus fréquemment la garde principale de leur enfant en dehors des temps d’école : les enfants bénéficiaires de l’AEEH âgés de 3 à 5 ans et scolarisés sont en proportion plus nombreux à passer la majeure partie du temps avec leurs parents les mercredis (80 % contre 67 %) ainsi que les soirs de la semaine après l’école entre 16 h 30 et 19 h (94 % contre 85 %). Globalement, le temps que les enfants bénéficiaires de l’AEEH passent en moins à l’école correspond ainsi en partie à du temps de prise en charge en plus par les parents.
Des écarts semblables mais moins marqués pour les enfants handicapés sans reconnaissance administrative
Comme la population des adultes handicapés, la population des enfants handicapés est difficile à délimiter de façon unique. L’octroi de l’AEEH permet de délimiter une population d’enfants dont le handicap a déjà été diagnostiqué et reconnu. En ce sens, ils constituent un « noyau dur » de la population des enfants handicapés mais ne la représentent pas dans son intégralité. En élargissant le champ du handicap aux enfants présentant un ou plusieurs des critères de handicap mesurés dans l’enquête (des limitations dans la vie quotidienne, des besoins particuliers ou des difficultés dans les échanges) mais sans reconnaissance administrative, il apparaît que les familles concernées présentent des organisations semblables à celles des familles avec enfant bénéficiaire de l’AEEH mais avec des écarts moins marqués lorsqu’on les compare aux organisations des autres familles.