Ce dossier mobilise les données de l’European Health Interview Survey 2019 (EHIS 2019), une enquête en population générale qui vise à mesurer l’état de santé et ses déterminants, notamment les habitudes de vie (e.g. alimentation, activité physique, consommation de tabac et de boissons alcoolisées, etc.), ainsi que le renoncement et le recours aux soins de santé. À partir de ces données, sont analysées les disparités de surpoids et d’obésité au sein de l'Union européenne à 27 (UE-27) afin d’identifier les variables pouvant influencer la probabilité d’être en surcharge pondérale ou obèse, dans les différents pays.
La surcharge pondérale, une maladie chronique évolutive qui diminue fortement l’espérance de vie
Le surpoids et l’obésité se définissent comme une accumulation anormale ou excessive de graisse et sont considérés comme des facteurs de risque majeurs pour de nombreuses maladies non transmissibles telles que le diabète de type II, les maladies cardiovasculaires, les maladies métaboliques, les problèmes articulaires et certains cancers (e.g. Lebenbaum, et al., 2018 ; Sarma, et al., 2021 ; Inserm, 2019). Selon l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE), l’obésité et les maladies associées réduiront l’espérance de vie mondiale de 0,9 à 4,2 ans au cours des 30 prochaines années (2,7 ans en moyenne par rapport à l’espérance de vie actuelle) [OCDE, 2019]. Dans certains pays, cette pathologie pourrait même surpasser le tabagisme comme première cause de risque de cancer évitable (Arnold, et al., 2015). L’obésité a également des répercussions psychologiques significatives, et engendre des coûts médicaux et sociaux importants (OCDE, 2019 ; Locatelli, et al., 2017 ; Trésor, 2016). Ce phénomène s’est par ailleurs intensifié en Europe ces dernières années : la prévalence mondiale de l’obésité a triplé entre 1975 et 2016 (OMS, 2022b). L’obésité est aussi de plus en plus fréquente chez les enfants et les adolescents (OMS, 2022b ; Pizzi, Vroman, 2013), constituant un défi croissant pour les générations futures (Chardon, et al., 2015 ; Moschonis, et al., 2022).
Près d’un Européen sur deux est en surpoids ou obèse, avec de fortes disparités selon les caractéristiques socio-économiques et les habitudes de vie
Le surpoids et l’obésité touchent près de la moitié de la population de l’UE-27, avec des disparités marquées entre les pays, les pays de l’Est de l’Europe enregistrant les taux d’obésité les plus élevés (graphique ci-dessous). Des disparités sont également observées selon le genre, l’âge et le revenu : les hommes ont une probabilité plus importante d’être en surcharge pondérale, tandis que les femmes ont un risque d’obésité plus élevé. De même, les personnes plus âgées ont une probabilité plus importante d’être en surcharge pondérale ou obèses ; les personnes les moins aisées sont davantage touchées par l’obésité, mais le surpoids touche aussi les hommes aisés. Autre constat : les personnes diplômées du supérieur et celles qui ont une activité physique régulière sont moins souvent en surcharge pondérale. La consommation quotidienne de soda augmente significativement le risque d’obésité mais pas celui de la surcharge pondérale.
Note > En raison de son taux trop important de non-réponse pour l’IMC (52 %), l’Irlande a été retirée de l’analyse.
Lecture > En France, en 2019, 15 % de la population est obèse, 31 % est en surpoids et 54 % à une corpulence normale ou est en maigreur .
Champ > Répondants âgés de 20 à 69 ans et ayant fourni des informations sur leur poids et sur leur taille. Pour des questions de fiabilité de l’utilisation de l’IMC en population générale, les répondants âgés de 70 ans ou plus et de moins de 20 ans ont été retirés de l’analyse. Pour des raisons statistiques, la catégorie « maigreur » et « corpulence normale » ont été regroupées ici.
Source > Eurostat, EHIS, traitement DREES.
Améliorer l’alimentation et favoriser l’activité physique : les deux leviers principaux des politiques de prévention
Ces facteurs de risque constituent autant de leviers sur lesquels peuvent jouer les mesures qui ont été mises en place en France, en Europe et plus largement dans le monde, pour lutter contre l’obésité. Ainsi, les principales politiques publiques visent d’une part, à sensibiliser et éduquer la population et particulièrement les individus les plus défavorisés ; et d’autre part, à encourager des modes de vie plus sains (Cour des comptes, 2019 ; Deseyne, et al., 2022 ; Santé publique France, 2020 ; OMS, 2022a).
Concernant l’alimentation, des initiatives visent à promouvoir la consommation de fruits, de légumes et de céréales complètes, tout en limitant la consommation des produits trop gras, salés ou sucrés (PGSS). Dans plusieurs pays, l’étiquetage nutritionnel des produits est obligatoire. La publicité (télévisée ou sur Internet), notamment destinée aux enfants, peut également être réglementée, incluant par exemple l’interdiction d’offrir des jouets promotionnels pour certains PGSS. La taxation des boissons sucrées et des PGSS incite à la fois les industriels à revoir la composition nutritionnelle de leurs produits, et les personnes à diminuer leur consommation de ces produits. Dans certains pays, des campagnes d’information et des politiques d’éducation nutritionnelle sont également mises en place à destination de la population.
La lutte contre l’obésité inclut également la promotion d’une activité physique régulière, en particulier chez les jeunes. Ces initiatives peuvent avoir lieu dans les établissements scolaires – à travers des équipements, une meilleure formation des enseignants, des compétitions interécoles – ou via des campagnes d’information et de sensibilisation sur les bienfaits de l’exercice physique régulier. Des subventions peuvent contribuer à améliorer les infrastructures sportives. Ces actions s’accompagnent souvent de partenariats avec des associations, des professionnels de santé, des écoles et des collectivités locales pour atteindre un large public.
L’interdiction des publicités pour des PGSS, l’étiquetage nutritionnel et la taxation des boissons sucrées sont les politiques publiques les plus efficaces contre le surpoids et l’obésité
L’abondante littérature scientifique sur le sujet, dont les résultats sont synthétisés dans ce Dossier de la DREES, suggère que les mesures les plus efficaces pour lutter contre le surpoids et l’obésité sont l’interdiction de la publicité pour des PGSS visant les enfants et les adolescents, l’étiquetage nutritionnel des aliments et la taxation des boissons sucrées. Pour améliorer leur acceptabilité et renforcer l’effet sur les moins aisés, ces mesures peuvent potentiellement être jumelées à des subventions des aliments sains ou à des chèques alimentaires. En revanche, l’efficacité des campagnes d’information semble plus incertaine, tout comme celle des ateliers de gestion du budget alimentaire, souvent perçus comme infantilisants ou intrusifs. Concernant l’alimentation, l’opposition des industriels peut constituer un frein majeur, en raison des pertes de revenus potentielles ou des coûts associés à la mise en œuvre de certaines mesures.
Un tableau récapitulatif des mesures de politiques publiques envisagées pour lutter contre le surpoids et l’obésité figure dans la synthèse du dossier.