Les problèmes de précarité et de santé mentale, qui se sont renforcés ces dernières années, demeurent des enjeux centraux pour les étudiants. Ils se sont exacerbés ces dernières années, en particulier depuis la crise sanitaire. La réforme de la Sécurité sociale des étudiants, visant à améliorer leur accès au soin, s’est déployée dans ce contexte de fragilités multiples, avec le passage de la gestion des droits de base des mutuelles étudiantes au régime général de la Sécurité sociale à partir du 1er septembre 2019. Quatre ans plus tard, comment les étudiants élaborent leur choix de couverture complémentaire santé et quel est leur niveau d’information dans ce domaine ? Comment les étudiants envisagent-ils leur santé et réagissent-ils à des problèmes de santé physique et mentale ? Dans quelle mesure les ressources économiques et sociales des jeunes ainsi que leurs rapports familiaux affectent leur couverture santé et la façon dont ils perçoivent leur santé ? Ce sont les questions qui leur ont été posées.
Les répondants de l’enquête : une hétérogénéité de trajectoires scolaires et de profils sociaux
Le corpus de 40 entretiens représente une diversité de profils en termes de catégories sociales, de formation ainsi que de types d’établissements ; différentes situations résidentielles sont aussi représentées avec des étudiants vivant chez leurs parents, d’autres qui ont décohabité et vivent en résidence universitaire, dans un logement autonome, en colocation ou seul. Enfin, le corpus permet de couvrir une pluralité d’état de santé : certains jeunes sont en ALD, d’autres ont des maladies chroniques, enfin, certains jeunes n’identifient pas de problématiques de santé). De même, ils ne bénéficient pas tous de la même couverture de santé : couverture complémentaire des parents, couverture étudiante, bénéficiaires de la C2S, et non recourant à la C2S.
Une perception et une attention accordée à sa santé marquées par la famille, les ressources économiques et les trajectoires scolaires
La place accordée à la santé dans la vie des étudiants varie selon la socialisation familiale, qui influe sur la capacité à identifier et verbaliser les problèmes de santé et à y réagir. Elle dépend également du budget des étudiants et de leurs conditions matérielles d’existence affectant l’ordre de leurs priorités et conduisant à faire de la santé une pratique de consommation courante, ou au contraire un bien « de luxe ».
Enfin, les rythmes et les temporalités auxquelles les étudiants sont confrontés dans le cadre de leurs études affectent le temps dédié au soin du corps et à la santé mentale. Les différentes épreuves (examens, devoirs, mémoires, etc.) vont notamment jouer un rôle important dans la priorisation de la santé vis-à-vis des autres urgences du moment, pouvant conduire à repousser la préoccupation de la santé à « plus tard ».
Des assurés jugés « autonomes » mais un rapport « familialisé » à la couverture santé
À 18 ans, les étudiants cessent d’être considérés comme des ayant droit de leurs parents et deviennent des assurés autonomes, mais leur logique de recours à une complémentaire santé reste assez dépendante de leur famille. Ils peuvent obtenir une couverture complémentaire payante et – dans quelques cas spécifiques – faire une demande autonome de C2S, mais aussi faire le choix de rester sur la couverture complémentaire de leurs parents. Or les étudiants ont une forte méconnaissance du fonctionnement et des usages de la couverture sociale et complémentaire, dont la gestion reste majoritairement assurée par les parents. Cette dépendance soulève des difficultés spécifiques selon la trajectoire familiale du jeune, notamment lors des ruptures familiales. En fin de compte, être couvert ou non et le degré de connaissance de sa situation exercent un effet significatif sur le recours aux soins des jeunes.
La C2S apparait largement méconnue, voire inconnue des étudiants
La mise en place de la C2S reste relativement récente et le système de protection sociale globalement méconnu des étudiants. Ceux-ci identifient peu d’informations liées à la C2S dans les espaces étudiants.
L’étude identifie douze situations de non-recours à la C2S, à un moment donné de leur trajectoire, chez les étudiants interrogés. La non-connaissance de la C2S est le motif le plus fréquent de non-recours. Elle touche principalement des étudiants dont les parents sont eux-mêmes non-recourant à la C2S et, dans une moindre mesure, des étudiants étrangers. D’autres cas de non-recours identifiés concernent des étudiants initialement couverts par la C2S parentale ayant perdu leur couverture à la suite d’une bascule biographique (ruptures familiales, divorce des parents) sans se voir proposer le dispositif, malgré leur éligibilité. La formation des professionnels (agents CPAM, travailleurs sociaux etc.) autour des conditions d’éligibilité et de fonctionnement de la C2S pour les étudiants constitue ainsi un enjeu central dans le recours à la C2S et l’accès aux soins pour ce public.
Un dispositif largement valorisé par les étudiants bénéficiaires
Les étudiants bénéficiaires de la C2S sont ceux qui témoignent d’une plus fine connaissance de la couverture complémentaire. Pour la grande majorité d’entre eux, celle-ci constitue une condition sine qua non du recours aux soins. Autrement dit, il s’agit d’étudiants qui auraient renoncé à des soins s’ils n’avaient pas la C2S, et ce, quel que soit leur état de santé. Qu’il s’agisse d’une prise en charge considérée comme vitale par l’étudiant, ou des consultations qualifiées de plus généralistes et préventives, la C2S se présente comme un facteur essentiel de recours aux soins.