Familles recomposées : vivre avec ses beaux-enfants est moins fréquent pour les belles-mères que pour les beaux-pères mais source d’une plus forte implication

Les dossiers de la DREES

N° 114

Paru le 19/10/2023

Guillemette Buisson (DREES) et Marie-Clémence Le Pape (Université Lyon 2)
La Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES) publie un Dossier qui explore la diversité des situations des beaux-parents du point de vue à la fois du temps qu’ils passent dans le même logement que leurs beaux-enfants et de leur implication dans le travail parental. Cette analyse met au jour les inégalités sociales et de genre qui caractérisent les recompositions familiales.


En moyenne chaque année depuis le début des années 2010, près de 400 000 enfants sont concernés par la rupture de l’union de leurs parents (Costemalle, 2017). À plus ou moins long terme, une part importante des parents séparés se remettent en couple. Ainsi, 40 % des parents de familles devenues monoparentales en 2011 vivent de nouveau en couple cohabitant dans les quatre ans qui suivent la rupture (Abba, Garbinti, 2019). Ces remises en couple entraînent une pluralité de situations où un adulte côtoie, quotidiennement ou plus occasionnellement, des beaux-enfants. Notamment, les situations sont très variables du point de vue du temps passé avec les beaux-enfants dans le même logement et de l’implication dans le travail parental. Ce dossier explore cette pluralité de situations en s’appuyant à la fois sur l’enquête Famille et Logements (EFL) 2011 et les enquêtes Études des relations familiales et intergénérationnelles (ERFI) 2005, 2008 et 2011.

En prenant en compte toutes les situations de temps passé avec les beaux-enfants, on compte un peu moins de belles-mères que de beaux-pères

En France métropolitaine, en 2011, 500 000 femmes et 600 000 hommes sont beaux-parents, au sens où ils vivent avec un conjoint qui a des enfants issus d’une précédente union. D’un côté, les femmes sont davantage concernées par des situations de monoparentalité qui ne résultent pas d’une séparation, du fait notamment de la surmortalité masculine, des naissances hors couple ou des enfants non reconnus. Cela conduit à ce qu’il y ait davantage de beaux-pères. D’un autre côté, les pères se remettent plus rapidement en couple que les mères, la présence de jeunes enfants étant un frein à la remise en couple des femmes, ce qui concourt à ce qu’il y ait davantage de belles-mères.

Du fait des situations de résidence des enfants après la séparation, les beaux-pères habitent plus fréquemment avec leurs beaux-enfants que les belles-mères

Ainsi, 64 % des beaux-pères déclarent vivre toujours avec leurs beaux-enfants, contre seulement 18 % des belles-mères (graphique ci-dessous). À l’opposé, seulement 8 % des beaux-pères déclarent ne jamais vivre avec leurs beaux-enfants, contre 33 % des belles-mères. Ces chiffres reflètent la situation telle qu’elle est vécue par les personnes. Il est probable que certains parents et beaux-parents qui vivent principalement avec un enfant mais pas tout le temps omettent dans leur déclaration les séjours brefs passés par l’enfant chez son autre parent.

Le profil social des beaux-pères varie relativement peu selon le temps passé avec les beaux-enfants. Néanmoins, les beaux-pères qui vivent la moitié du temps ou plus avec eux sont plus souvent diplômés du supérieur et occupent plus souvent un emploi de cadre ou de profession intermédiaire. Ceci s’explique en partie par un effet d’homogamie sociale. En effet, les adultes dont les enfants sont en résidence alternée sont plus souvent diplômés du supérieur. Plus globalement, pour les femmes, la cohabitation à temps plein avec les beaux-enfants est davantage le fait des moins diplômées et des inactives, tandis que les femmes très diplômées et occupant des positions sociales favorisées sont surreprésentées parmi les situations où les enfants sont présents la moitié du temps ou moins, leur garantissant probablement une plus grande autonomie conjugale et professionnelle.

Graphique - Répartition des hommes et des femmes ayant des beaux-enfants mineurs, selon le temps que ces enfants passent dans le logement

Au quotidien, des belles-mères davantage en première ligne des tâches parentales que les beaux-pères

Pour les beaux-parents qui vivent principalement avec leurs beaux-enfants, l’enquête ERFI permet d’étudier la répartition des tâches au sein de leurs couples. À situation comparable en termes de temps passé avec les beaux-enfants, les belles-mères sont davantage en première ligne des tâches parentales contraintes auprès des beaux-enfants (habillage, etc.) que les beaux-pères. Ainsi, les inégalités de genre constatées pour les pères et les mères sont également observables dans les familles recomposées. Par exemple, quand les enfants du logement sont ceux du père uniquement, c’est la belle-mère qui prend en charge le plus souvent, voire toujours, l’aide aux devoirs dans au moins 28 % des cas. En comparaison, quand les enfants sont ceux de la mère uniquement, c’est le cas d’au plus 18 % des beaux-pères. De même, les belles-mères veillent le plus souvent voire toujours à ce que les enfants soient bien habillés dans au moins 12 % des cas contre au plus 10 % des beaux-pères.

Des tâches parentales ne relevant pas ou peu du domaine « beau-parental »

Certaines activités sont moins souvent assurées par les beaux-parents que les parents. La répartition de ces activités dessine ainsi les frontières du travail parental et du travail beau-parental, montrant la place qui leur est prescrite dans la société et dans la famille. C’est le cas notamment quand il s’agit d’emmener ou d’aller chercher les enfants sur leur lieu d’accueil (crèche, école). Le vide juridique entourant les beaux-parents pourrait expliquer qu’ils soient moins impliqués dès lors que ces activités mettent en jeu des relations plus institutionnelles autour de l’enfant, comme c’est le cas pour la prise en charge sur les lieux d’accueil. Dans la famille, les frontières s’établissent sur les tâches mettant en jeu une proximité relationnelle forte avec l’enfant, comme le coucher des enfants, toute incursion dans le domaine de l’intime pouvant être perçue comme une usurpation des prérogatives maternelles et paternelles.

Ce dossier s’inscrit dans le cadre des travaux de la statistique publique sur les ruptures familiales, dans la lignée des préconisations du Conseil national de la statistique publique (Thélot, Bourreau-Dubois et Chambaz, 2017 ; Buisson et Raynaud, 2019), l’objectif étant de mieux éclairer l’action publique pour soutenir les familles vivant ces situations.